COURS : INTRODUCTION A L'INTELLIGENCE ECONOMIQUE

Lorsque l'on sait délivrer l’information stratégique et utile au bon moment, à la bonne personne, dans le bon contexte, on obtient un avantage compétitif décisif. Telle est la conclusion qui a amené les spécialistes de divers domaines à mettre en place une théorie de compétitivité et de management appelée Intelligence économique.
Certaines entreprises sensibles, notamment dans des secteurs fortement concurrentiels, comme les industries de l'armement, pharmaceutique ou automobile, furent des précurseurs dans la pratique de l’intelligence économique. Rares toutefois furent celles qui anticipèrent le virage de l'intelligence économique avec succès. En France, citons Giat Industries, Elf Aquitaine, Rhône Poulenc, et aux États-Unis Lockheed, Motorola, IBM.
Ce qui est central dans l’intelligence économique est le fait qu’elle ne se réduit pas à l’accumulation désordonnée d’informations de toutes sortes. Il s’agit de produire de la connaissance structurée pour aider les entreprises à combattre et à se défendre dans la compétition économique d'un monde post-Guerre Froide.
L’intelligence économique est l'ensemble des activités coordonnées de collecte, de traitement (d'analyse), de diffusion et de protection de l'information utile aux acteurs économiques, obtenue légalement. On peut y ajouter les actions d'influence et de notoriété. Elle se distingue de l’espionnage économique et/ou industriel car elle se développe ouvertement et utilise uniquement des sources ouvertes et des moyens légaux. La plupart des professionnels du secteur la conçoivent dans un esprit d'éthique et de déontologie. Ils s'engagent souvent à respecter une charte dans ce domaine. Elle peut être complétée par d'autres « intelligences », comme l'intelligence sociale qui organise la mutualisation de l'information dans un but de performance collective des différents acteurs économiques.
Les spécialistes du domaine résument l'intelligence économique en un triptyque : veille (acquérir l'information stratégique pertinente), protection des informations (ne pas laisser connaître ses informations sensibles) et influence (propager une information ou des normes de comportement et d'interprétation qui favorisent sa stratégie).


Présentation de l’Intelligence économique

                   Gérer un flux d’informations de plus en plus important

La globalisation de l’économie, la généralisation des technologies de l’information et de la
communication, la construction de réseaux formels ou informels, l’accélération des échanges
économiques, l’évolution des relations entre le donneur d’ordre et ses prestataires, le
développement de ce qu’on nomme la gestion de la relation client (CRM: Customer Relationships Management), le raccourcissement des cycles de vie des produits… conduisent à adapter en permanence la gestion au quotidien des entreprises.
Les grandes entreprises et organisations ont bien compris ces nouvelles exigences et ont
développé en conséquence des démarches d’Intelligence économique répondant à leurs propres besoins.
Aujourd’hui, ces défis sont presque identiques pour les petites entreprises. Le vaste champ
d’investigation est plus ou moins le même et la réactivité se doit d’être la même. Pour autant,
les moyens financiers, humains et techniques ne suivent pas cette logique. Pour y remédier, des expériences sont menées un peu partout en Europe pour aider les PME du Vieux Continent à apprendre à mieux maîtriser l’information et la connaissance.
Sans revenir au temps des Romains, il faut se souvenir que le concept d’intelligence nous vient des cercles militaires qui ont intégré, dès leur origine, toutes les questions relatives à la
recherche et à la protection des informations sensibles.
Désormais, les entreprises ont pris conscience de tous ces enjeux et doivent faire face, dans le
même temps, à une augmentation importante des données disponibles et susceptibles d’influencer le processus de prise de décision.
Si l’on s’intéresse seulement à la capacité de l’internet, la compagnie japonaise NEC estimait en 1999 que le nombre de pages web était de 1,5 milliards, en croissance chaque jour de 2 millions de pages supplémentaires. Aujourd’hui, on estime qu’il y a entre 2,5 et 5 milliards de pages accessibles. Et à la fin de l’année 2002, l’analyste français IDC estime que le nombre de pages web sera de l’ordre de 8 milliards.
Pour gérer une telle masse de données et d’informations, il est absolument indispensable
d’adopter des méthodes de tri et de sélection, pragmatiques et efficaces.

                               Stratégie et information

La gestion au quotidien de l’entreprise repose sur un cadre stratégique dont les racines sont
fortement ancrées dans l’information.
Prenons l’exemple d’un explorateur : il a besoin d’une boussole et d’une carte pour trouver son chemin dans la forêt vierge. Sans ces outils adaptés à la situation qu’il est en train de vivre, il ne pourra jouir des couleurs merveilleuses, des formes fantastiques et de la richesse de la faune sauvage.
Sans stratégie (sans carte et boussole), l’entrepreneur est un peu comme notre explorateur. Il
aura beau obtenir autant d’informations qu’il le désire, elles ne lui seront d’aucune utilité.
La stratégie est le résultat d’une dialectique entre la situation interne à l’entreprise et le monde qui l’entoure. Grâce au benchmarking (action qui consiste à confronter son expérience à celle des autres), le chef d’entreprise élabore son propre cadre d’action, regardant vers le long terme (la stratégie) et opérant au quotidien (la gestion). (voir fig. 1.1)

Aujourd’hui, l’analyse de la situation interne a pour mission de renseigner le dirigeant sur la performance réelle de son entreprise, sur la base de connaissances tangibles (procédures, capacités du par machines, situation financière et trésorerie, organisation, carnet de commandes…) et tacites (savoir-faire, situation de la ressource humaine, relations avec les clients…).
Le paysage externe apporte pour sa part de nombreuses informations, éventuellement utiles
issues d’une veille classique technologique (normes, brevets, réglementation, produits et
procédés, clients, concurrents, fusions et acquisitions…) et permettant d’avoir une vision d
futur (tendances, prévisions de marché, prospective, évolutions politiques et sociales…).

            I.3. Des données à l’information, de l’information à la connaissance

La demande classique du chef d’entreprise à son système d’information est la suivante : “ Je
veux la bonne information au moment opportun ”. Mais obtenir la bonne information au bon

moment, est le résultat d’un processus permanent et d’une politique décidée au plus haut niveau (voir le Cycle de l’intelligence, fig. 1.2).

Une fois les objectifs globaux en matière d’information arrêtés, les missions de collecte, de
stockage et d’analyse de l’information doivent être conçues de manière à aider l’utilisateur dans sa prise de décision finale.
Il s’agit alors de transformer la masse de données (disponibles sous différentes formes, souvent inorganisées et collectées par différents canaux) en information, puis en connaissance.
Les méthodes et outils de l’Intelligence économique permettent de nos jours de valider les
données collectées (à partir de différentes sources considérées comme fiables) en un ensemble
cohérent d’information adapté au profil de l’entreprise et à ses besoins.
Cette étape est aujourd’hui de la plus grande importance compte tenu du grand nombre de
sources disponibles : études prospectives, littérature professionnelle, bases de données gratuites et payantes, données informelles du web, procédés, produits, règlements et normes, concurrents, fusions, partenariats, clients, situation du secteur industriel, évolutions sociétales…
Il s’agit là d’un travail permanent puisque l’information doit être mise à jour continuellement.
On peut donc dire qu’une fois le cycle de l’information parcouru, il faut reproduire l’opération. Et ainsi de suite.
         I.4. Concepts de base et définitions

L’utilisation de plus en plus fréquente de termes comme information ou connaissance, dans des contextes différents, ne permet pas toujours d’y voir très clair. Si un glossaire plus complet vous est proposé à la fin du guide, voici d’ores et déjà les définitions suivantes:
Données : nombres, mots, événements existants en dehors d’un cadre conceptuel
de référence ; en conséquence, et en absence de contexte, les données prises
individuellement n’ont pas une grande signification. Accumulation de données
n’est donc pas information.
Information : ensemble de données, validées et confrontées, qui commencent à
avoir un sens. Accumulation d’informations n’est pas connaissance.
Connaissance : ensemble d’informations interprétées par l’entreprise et lui
permettant de prendre des décisions. Accumulation de connaissance n’est pas
sagesse (intelligence).
Intelligence : elle apparaît lorsque les principes fondamentaux qui ont fondé la
connaissance sont compris. Accumulation de sagesse (intelligence) n’est pas
vérité.
Ce qui nous conduit  à proposer notre définition de l’Intelligence économique ;
L’Intelligence économique : est un ensemble de concepts, méthodes et outils qui unifient
toutes les actions coordonnées de recherche, acquisition, traitement, stockage et diffusion
d’information pertinente pour des entreprises considérées individuellement ou en réseaux, dans le cadre d’une stratégie partagée.
Ces processus cohérents, permanents, itératifs, conduisent à des modifications importantes dans les comportements individuels et collectifs, et amènent des transformations dans les mécanismes de prise de décision. Le développement de l’Intelligence économique concerne en outre tous les secteurs de l’entreprise : gestion, mercatique, finance, organisation de la production, recherche, ressources humaines…
La Veille technologique, qui est souvent la première approche en matière d’Intelligence
économique, s’intéresse aux informations techniques : propriété industrielle ou intellectuelle,
recherche, produits, normes…
En complément des secteurs directement concernés par la Veille technologique comme
l’information sur les concurrents, les produits, les marchés, les clients, les fournisseurs, les lois et règlements, l’évolution des modes de gestion et d’organisation…, les questions financières et les politiques publiques entrent bien dans le concept d’Intelligence économique.
Des approches alternatives, comme l’Intelligence compétitive (centrée essentiellement sur les
notions de marché) ou le Business intelligence entrent aussi dans le cadre élargi de
l’Intelligence économique.


Par contre, les concepts de Knowledge management (KM) orientés vers la connaissance existant dans l’entreprise ne relèvent pas de l’Intelligence économique.

L’ensemble des champs qui complètent l’Intelligence économique, comme le KM, la protection des informations ou le lobbying, ne sont pas traités dans ce guide. Ils sont regroupés dans le concept global d’Intelligence stratégique (voir fig. 1.3)

               I.5. La dimension humaine

Le développement des Technologies de l’Information et de la Communication et l’existence
d’outils logiciels performants sont aujourd’hui de nature à accélérer la diffusion de l’Intelligence économique.
Il ne faut cependant pas négliger l’importance de la dimension humaine, déterminante dans les processus d’intelligence. On ne peut pas compter sur des logiciels (par ailleurs de plus en plus sophistiqués) pour résoudre les questions de choix stratégiques et pour arbitrer entre les
contradictions apparentes ou réelles.
Le développement d’une démarche d’Intelligence économique au sein d’une entreprise ne peut s’envisager qu’avec la participation de tous les salariés. La confrontation des différents niveaux de responsabilité (direction générale, direction commerciale, gestion de la production, recherche et développement, finances…), éclairée par une ligne stratégique, est le meilleur moyen d’aider le décideur à faire les choix les plus pertinents au bon moment.
Ce processus humain n’est pas simple à mettre en œuvre. Il doit être encouragé par la direction générale, reconnu comme facteur d’évolution professionnelle, inscrit dans le long terme et facilité par des spécialistes.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

LES PRINCIPES COMPTABLES SYSCOA REVISE

COURS : LES REGLEMENTS ET LES EFFETS DE COMMERCE (2)