COURS : LES COMPTES CONSOLIDES - NOTION

Dès que des activités industrielles, commerciales ou financières sont exercées par des filiales d’une société, l’information donnée par les comptes annuels individuels (bilan, compte de résultat, annexe) peut s’avérer insuffisante. Il est alors nécessaire de présenter des comptes consolidés.
Les comptes consolidés permettent de donner une image de la réalité financière d’un groupe de sociétés (d’où le nom de comptes de groupe parfois donné) : ils se composent généralement d’un bilan, d’un compte de résultat, d’un tableau de flux de trésorerie, d’un tableau de variations de capitaux propres et de notes annexes intégrant dans un même ensemble les situations de la société mère et de ses filiales comme s’il s’agissait d’une seule entreprise. Dans les comptes consolidés, du fait d’une optique plus économique de l’information donnée, le principe de la prééminence de la réalité financière sur l’apparence juridique est généralement appliqué.
L’établissement des premiers comptes consolidés remonte au début du
XX siècle (1904 aux États-Unis). En France, il fallut attendre le décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales pour avoir la possibilité d’annexer des comptes consolidés aux comptes sociaux. C’est la loi du 3 janvier
1983 sur le développement des investissements et la protection de l’épargne qui, la première, rendit obligatoire l’établissement de comptes consolidés pour les sociétés dont les actions sont inscrites à la cote officielle et qui ont des filiales ou des participations.
Quant à la loi du 3 janvier 1985 (complétée par le décret du 17 février 1986) relative aux comptes consolidés de certaines sociétés commerciales et entreprises publiques, prise en application de la septième directive européenne du 13 juin 1983, elle prévoit pour toutes les sociétés (d’une certaine taille) à partir du premier exercice ouvert après le 31 décembre 1989 l’obligation d’établir et de publier des comptes consolidés ainsi qu’un rapport sur la gestion du groupe « dès lors qu’elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs entreprises ou qu’elles exercent une influence notable sur celles-ci ». Cette loi (intégrée dans le Code de commerce, articles L. 233-16 à L. 233-28) a dû prendre en compte le règlement CE 1606/2002 du 19 juillet 2002 du Conseil et du Parlement européen sur l’application des normes comptables internationales, qui prescrit notamment aux sociétés faisant appel public à l’épargne sur l’espace européen, afin qu’elles puissent présenter une information financière homogène (et comparable), l’établissement de leurs comptes consolidés en normes IFRS.


1. Septième directive du Conseil des communautés européennes du 13 juin 1983
Cette directive fait suite à la quatrième directive du 25 juillet 1978 tendant à coordonner les législations nationales sur les comptes annuels de certaines formes de sociétés. Elle précise :
– les conditions d’établissement des comptes consolidés : types de sociétés consolidables, taille des sociétés consolidables, nature des relations entre les sociétés consolidables ;
– les modes d’établissement des comptes consolidés ;
– le contenu du rapport consolidé de gestion qui doit accompagner les comptes ;
– l’obligation de contrôle des comptes consolidés ;
– les obligations de publicité des comptes consolidés.


2. Articles 233-16 à L. 233-28 du Code de commerce
La loi 85-11 du 3 janvier 1985 relative aux comptes consolidés de certaines sociétés commerciales et entreprises publiques faisait suite à la loi du 3 janvier 1983 qui n’imposait la présentation de comptes consolidés qu’aux sociétés cotées à la cote officielle. Elle a été prise en application de la septième directive européenne. Cette loi a été intégrée dans la loi du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales (aujourd’hui articles L. 233-16 à L. 233-28 du Code de commerce). Elle précise en particulier :
–que les sociétés doivent présenter des comptes consolidés et un rapport sur la gestion du groupe dès lors qu’elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu’elles exercent une influence notable sur celles-ci ;
–ce que l’on entend par contrôle exclusif, contrôle conjoint, influence notable ;
– les méthodes de consolidation utilisables : intégration globale, intégration proportionnelle, mise en équivalence
;
– les cas où une filiale ou une participation peuvent être laissées en dehors de la consolidation ;
– le contenu général des comptes consolidés : bilan, compte de résultat, annexe, et leurs qualités recherchées : régularité, sincérité, image dèle ;
– les règles générales d’évaluation des éléments consolidés ;
– le contenu du rapport de gestion ;
– l’obligation de contrôle par les commissaires aux comptes.
Cette loi a été modifiée notamment par l’article 1er de l’ordonnance 2004-1382 du
20 décembre 2004 portant adaptation de dispositions législatives relatives à la comptabilité des entreprises aux dispositions communautaires dans le domaine de la réglementation comptable, qui dispense les sociétés commerciales qui utilisent les normes comptables internationales de se conformer de se conformer aux règles comptables prévues par les articles L.233-18 à L. 233-23 pour l’établissement et la publication de leurs comptes consolidés.


3. Articles R. 233-3 à R. 233-16 du Code de commerce
Les décrets 86-221 du 17 février 1986, pris en application de la loi du 3 janvier 1985 et 90-72 du 17 janvier 1990 portant diverses dispositions de droit commercial, ont été intégrés dans le décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales (aujourd’hui, articles R. 233-3 à R. 233-16 du Code de commerce) : ils présentent en particulier :
– le contenu du bilan consolidé ;
– le contenu du compte de résultat consolidé ;
– les informations devant figurer dans l’annexe consolidée ;
– la taille des critères qui permettent aux petits groupes d’être dispensés de présenter des comptes consolidés ; ces tailles sont fixées aux niveaux suivants :
montant net du chiffre d’affaires : 30 millions d’euros ;
total du bilan : 15 millions d’euros ;
nombre moyen de salariés permanents : 250.


4. Règlement 99-02 du 29 avril 1999 relatif aux comptes consolidés des sociétés commerciales et des entreprises publiques homologué par l’arrêté du 22 juin 1999

Ce règlement du Comité de la réglementation comptable (CRC) a été élaboré à partir de l’avis 98-10 du Conseil national de la comptabilité (adopté le 18 décembre 1998). Il a reformulé les règles de consolidation édictées précédemment par la méthodologie sur les comptes consolidés intégrée au Plan comptable général 1982, en 1986. Il intègre les dispositions comptables des articles R. 233-3 à R. 233-16 du Code de commerce. Le règlement 9902 du 29 avril 1999 a notamment été amendé par le règlement 2005-10 du 3 novembre
2005.

Le règlement 99-02 du CRC comporte les sections suivantes :
1. Périmètre et méthodes de consolidation
2. Règles de consolidation :
– l’intégration globale ;
– l’intégration proportionnelle ;
– la mise en équivalence ;
3. Méthodes d’évaluation et de présentation
4. Documents de synthèse consolidés
5. Première année d’application

Ce règlement s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er
 janvier 2000. Il a été complété par le règlement 99-07 du 24 novembre 1999 (arrêté du 20 décembre 1999) et le règlement 00-05 du 7 décembre 2000 (arrêté du 17 janvier 2001) relatifs aux règles de consolidation des entreprises relevant du secteur bancaire et financier, d’une part, et des entreprises régies par le Code des assurances et aux institutions de prévoyance régies par le Code de la Sécurité sociale ou le Code rural, d’autre part.


5. Règlement européen CE 1606/2002 du 19 juillet 2002 sur l’application des normes comptables internationales

Le Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 avait imposé que la Commission européenne mette en œuvre un « plan d’action pour les services financiers » pour 2005. Ce plan concernait notamment l’utilisation des normes comptables internationales en comptabilité. Un règlement européen, élaboré par la Commission, approuvé par le Parlement et le Conseil a été élaboré et publié (règlement CE n° 1606 /2002 du 19 juillet 2002 sur l’application des normes comptables internationales, JOCE 11 septembre 2002).


L’article 4 du règlement européen pour l’application des normes comptables internationales prévoit notamment que « pour chaque exercice commençant le 1er janvier 2005 ou après cette date, les sociétés régies par le droit national d’un État membre sont tenues de préparer leurs comptes consolidés conformément aux normes comptables internationales adoptées dans le cadre de la procédure prévue à l’article 6 si, à la date de clôture de leur bilan, leurs titres sont admis à la négociation sur le marché réglementé d’un État membre».
L’article 5 du règlement permet aux États membres d’autoriser les sociétés autres que celles visées à l’article 4 d’établir leurs comptes consolidés conformément aux normes comptables internationales.

L’ordonnance 2004-1382 du 20 décembre 2004 portant adaptation des dispositions législatives relatives à la comptabilité des entreprises aux dispositions communautaires permet aux sociétés non cotées d’opter pour l’établissement de comptes consolidés selon les normes IFRS.
Ainsi, en France, les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur le marché réglementé doivent depuis 2005 établir leurs comptes consolidés conformément aux normes internationales; les autres sociétés pouvant au choix établir leurs comptes consolidés selon les normes nationales (article L.233-16 et suiv. du Code de commerce, règlement 99-02 du CRC) ou selon les normes internationales.

Il est à noter, qu’en ce qui concerne les principes de la consolidation, normes internationales et normes françaises sont fortement convergentes.
Nous parlerons ici en priorité de l’établissement des comptes consolidés selon les normes internationales. Sont particulièrement concernées les normes IAS 27
« États financiers consolidés et individuels », IAS 28 « Participation dans les entreprises associées », IAS 31 « Participations dans les coentreprises » et IFRS 3 « Regroupements d’entreprises ».
Nous n’évoquerons les règles des articles L.233-16 à L. 233-28 et R. 233-3 à R. 233-16 du Code de commerce et du règlement 99-02 du Comité de la réglementation comptable que lorsqu’elles sont foncièrement différentes des règles édictées par les normes comptables internationales. Il est à noter d’ailleurs que les dernières modifications des textes nationaux évoqués ci-dessus se sont faites dans le cadre d’une convergence vers les normes comptables internationales IFRS.


6. Les différentes optiques de la consolidation

Un certain nombre de théories ont été élaborées (a posteriori) dans le but d’expliquer et de clarifier les pratiques de la consolidation. On peut distinguer quatre types d’optiques dans ces théories :

–optique du propriétaire ;
–optique économique ;
–optique financière ;
–optique mixte : économique et financière.

6.1 L’optique du propriétaire
Dans cette conception, l’objectif des états financiers consolidés est de montrer aux propriétaires de la société mère ce qu’ils possèdent et ce qu’ils doivent.
En conséquence :
– le bilan consolidé reprend uniquement la quote-part des actionnaires de la société mère dans les éléments identifiables d’actifs et de passifs de la filiale ; cette part tient compte des plus-values latentes à la date de prise de contrôle et de l’écart d’acquisition (coût de la prise de contrôle) ;
– aucun intérêt minoritaire n’apparaît au bilan ;
– les résultats provenant des transactions entre sociétés consolidées sont éliminés uniquement pour la part de la société mère, le complément étant considéré comme réalisé avec des tiers ;
– le résultat est limité à la fraction correspondant aux intérêts de la société mère, les intérêts minoritaires n’apparaissent pas.


6.2 L’optique économique
Dans cette conception, les comptes consolidés sont considérés comme étant ceux d’une entité économique avec deux catégories de propriétaires intéressés : les majoritaires et les minoritaires.
En conséquence :
– le bilan reprend la totalité des actifs et passifs des filiales : il est tenu compte des plus-values latentes sur actifs identifiables ainsi que de l’écart d’acquisition payé par la société mère, majoré de celui qui serait revenu aux minoritaires (l’écart d’acquisition comprend donc à la fois la part des majoritaires et celle des minoritaires) ;
– les intérêts minoritaires sont montrés à part dans le bilan, où ils apparaissent pour leur part dans la valeur estimée de la société lors de l’acquisition et sont considérés comme faisant partie des capitaux propres ;
–pour ce qui concerne les résultats des transactions intersociétés consolidées, ceux qui sont réalisés par une société du groupe (autre que la société mère) sont éliminés et répartis au prorata de chaque type d’intérêts, ceux réalisés par la société mère sont totalement éliminés et imputés sur la société mère uniquement ;
– les intérêts minoritaires dans le résultat de l’exercice sont déduits au bilan pour être imputés dans la part revenant aux minoritaires. Dans le compte de résultat, le résultat consolidé est le résultat total (revenant à la société mère et aux actionnaires minoritaires).

6.3 L’optique financière
Dans cette conception, les comptes consolidés sont établis essentiellement pour les actionnaires de la société mère : ils ont pour objet de fournir aux actionnaires de la société mère la véritable valeur comptable de leurs titres, compte tenu de l’activité directe de la société mère et de celle effectuée par l’intermédiaire de ses filiales. La société mère partage l’actif et le passif
d’une filiale avec des actionnaires minoritaires qui sont considérés comme des tiers.

En conséquence :
– le bilan reprend la totalité des actifs et des passifs des filiales. Il s’agit de la totalité de la valeur comptable majorée des plus-values revenant à la société mère, plus l’écart d’acquisition enregistré par cette dernière;
– les intérêts minoritaires sont montrés au bilan où ils apparaissent pour la part correspondant à la valeur comptable des actifs et passifs (y compris le résultat) et sont considérés comme une dette;
– les résultats des transactions inter-sociétés sont éliminés à concurrence de la part de la société mère ; la part des minoritaires est considérée comme réalisée avec des tiers ;
– les intérêts minoritaires dans le résultat de l’exercice sont présentés à part.

6.4 L’optique mixte économique et financière
Dans cette conception, les comptes consolidés ont pour objet de fournir aux associés de la société mère la véritable valeur de leurs titres, mais à l’intérieur d’une entité économique englobant intérêts majoritaires et minoritaires. Ces derniers ne sont pas considérés comme des tiers.
En conséquence :
– le bilan reprend la totalité des actifs et des passifs des filiales. Il s’agit de la totalité de la valeur comptable, majorée des plus-values latentes (part des majoritaires et des minoritaires) et de l’écart d’acquisition payé par la société mère;
– les intérêts minoritaires constituent une rubrique spécifique du bilan où ils apparaissent entre les dettes et les capitaux propres du groupe ;
– les résultats des transactions inter-sociétés sont éliminés et répartis entre chaque type d’intérêts pour les filiales ou imputés totalement à la société mère s’ils sont réalisés par celle-ci ;
– les intérêts minoritaires dans le résultat sont présentés dans le compte de résultat et le résultat consolidé est la part revenant à la société mère.
Les optiques retenues généralement dans les méthodes de consolidation préconisées par les normes (internationales ou françaises) sont les optiques économique et mixte (et selon les options, une combinaison des deux).

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